Des chercheurs du MIT balaient, une bonne fois pour toute, l’idée, controversée, que le chromosome Y de l’homme devait disparaître d’ici 10 millions d’années.
Les hommes peuvent souffler. In fine, le frêle chromosome Y, celui qui détermine le sexe masculin, n’est pas appelé à disparaître. Dans un article paru dans Nature, David Page et son équipe de Massachusetts Institute of Technology (MIT) tordent en effet le cou à une rumeur qui courait outre-Atlantique depuis 2002. Depuis qu’une biologiste australienne, Jennifer Graves, avait prédit, là encore dans Nature, la fin du chromosome Y. D’ici 10 millions d’années, il devait en effet s’éteindre et conduire à l’extinction pure et simple de l’homme… et avec lui de l’espèce humaine.
« Cette théorie a néanmoins toujours été très controversée, nuance Gabriel Marais du Laboratoire biométrie et biologie évolutive de Lyon, car elle découle d’un calcul simpliste. » Et d’un constat lui bien réel : le Y n’est plus qu’un moignon de chromosome. Alors qu’il y a 150 à 300 millions d’années, il avait la même taille que le X, il ne possède plus que 5 % de ses gènes ancestraux. Son état de décrépitude est tel que les scientifiques n’ont pas hésité à le traiter de « dégénéré ». D’abord parce qu’il ne contient plus qu’une centaine de gènes (contre 1098 pour le X) mais surtout parce qu’il est bourré de séquences d’ADN transposées et répétées. Des séquences qui sont à la génétique ce que le bégaiement est à l’élocution : une coquetterie inutile.
L’origine du Y dégénéré
« L’état actuel de ce chromosome s’explique par le fait qu’au fil de l’évolution, le Y a progressivement cessé d’échanger des gènes avec son homologue naturel, le chromosome X, » continue le chercheur. Cet arrêt de la recombinaison, qui s’est déroulé en cinq étapes successives, a conduit à un raccourcissement progressif du chromosome Y. « Et pour cause : les régions du génome qui ne recombinent pas sont connues pour accumuler des mutations. » Ce processus, que l’on appelle l’effet de Hill-Robertson, aboutit à la dégénérescence progressive des régions non recombinantes.
Mais chez les mammifères, cet effet est accentué par le fait que les cellules sexuelles – celles qui donnent naissance aux spermatozoïdes – subissent un bien plus grand nombre de divisions chez les mâles que chez les femelles. Le risque d’accumuler des mutations en est démultiplié. De fil en aiguille, ces deux phénomènes ont abouti à la dégénérescence du Y mais aussi au déterminisme sexuel, le Y devenant nécessaire à la spermatogénèse et à l’apparition des caractères sexuels secondaires.
L’histoire aurait pu s’arrêter là… sauf que, comme l’a fait remarqué Jennifer Graves, ces processus qui dans le passé ont sculpté le chromosome Y sont toujours à l’œuvre. Alors pourquoi imaginer que le chromosome Y cesse, comme ça, de se raccourcir ? La suite voudrait en effet qu’à force de se ratatiner, le chromosome Y finisse par « s’autodétruire ».
Logique mais inexact. Car d’après l’article paru fin février, le chromosome Y est stabilisé. David Page et son équipe ont séquencé puis comparé des portions de chromosomes Y de l’homme et du macaque rhésus, des espèces ayant eu un ancêtre commun il y a 25 millions d’années, soit 5 millions d’années après la dernière grande phase d’arrêt de la recombinaison du Y.
Tout cela pour montrer que depuis 25 millions d’années, ces portions d’ADN ont très peu bougé. En tout, sur la zone considérée, celle qui détermine le sexe masculin, le chromosome Y n’aurait perdu qu’un seul gène. Pour les chercheurs, le fait que ces gènes soient hautement conservés au cours de l’évolution prouvent qu’ils sont sans doute nécessaires à la survie de l’individu et qu’ils ne pouvaient plus disparaître, fût-ce sur des millions d’années d’évolution.
Mitigée quant à la portée de cette démonstration, Jennifer Graves a affirmé que ce résultat ne réglait pas le sort du Y, ce dernier pouvant très bien disparaître si ces portions d’ADN vitales étaient transplantées sur d’autres chromosomes. Souvent, femme varie… mais parfois, non.
Dans le règne animal, le sexe n’est pas toujours lié à la présence de chromosomes X et Y. Loin de là. Chez les tortues ou les crocodiles, le sexe est déterminé par la température d’incubation des œufs. Chez les oiseaux, ce sont les femelles qui sont hétérogamétiques et porteuses des chromosomes Z et W tandis que, chez la drosophile par exemple, c’est le nombre de X qui détermine le sexe. La disparition du Y n’engendre donc pas toujours l’extinction des mâles…
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