Cultiver du blé sur des terres salines ? Cela pourrait devenir possible. Grâce à une espèce ancienne de blé, des chercheurs australiens ont créé une variété de blé dur qui tolère mieux le sel.
Le blé, dont les espèces appartiennent au genre Triticum, et le riz sont les deux cultures alimentaires de base de la planète. Et alors que les besoins alimentaires croissent à un rythme rapide, les sols agricoles souffrent, parmi d’autres maux, de l’étalement urbain et de la pénétration d’eau de mer. L’une des voies pour augmenter la production serait d’adapter les cultures à des sols salins ou à des terres semi-arides irriguées avec de l’eau saumâtre. Un pas vient d’être fait dans ce sens : Matthew Gilliham, de l’Université d’Adélaïde, en Australie, et ses collègues ont mis au point une variété de blé dur plus tolérante au sel que la variété usuelle.
La tolérance au sel reflète la capacité de la plante à maintenir, malgré le sel présent dans le sol ou l’eau qui l’irrigue, une faible concentration d’ions sodium (Na+) dans ses feuilles, afin de ne pas perturber la photosynthèse et, par conséquent, la croissance. L’équipe de M.Gilliham a montré qu’une espèce ancestrale de blé, Triticum monococcum, tolère le sel grâce à un gène noté TmHKT;5-A ; ce dernier code un transporteur d’ions Na+ localisé dans la membrane des cellules qui entourent les vaisseaux des racines. C’est ce transporteur qui élimine une partie des ions sodium du système racinaire et réduit ainsi leur transport au sein de la sève vers les feuilles.
Ensuite, par des techniques de croisements, les chercheurs australiens sont parvenus à intégrer le gène TmHKT;5-A à du blé dur (Triticum turgidum ssp. durum), variété utilisée pour la fabrication des pâtes et des semoules (couscous, boulgour). Ils ont enfin réalisé des essais comparatifs en champ, sur des sols australiens plus ou moins salins. Les résultats montrent d’abord que sur des sols peu chargés en sel, le rendement (environ 2,5 tonnes par hectare) n’est pas diminué par rapport à du blé dur ordinaire. Plus le sol est chargé en sel, plus le rendement diminue, comme attendu ; mais il diminue moins pour la variété de blé dur ayant acquis le gène TmHKT;5-A. À salinité élevée, le rendement de la variété tolérante au sel atteint environ 1,6 tonne par hectare, ce qui est supérieur de 25 pour cent au rendement de la variété non modifiée (1,3 tonne par hectare).
Ces travaux de l’équipe australienne illustrent le potentiel des espèces anciennes pour améliorer la productivité des plantes et leur tolérance au stress. De plus, l’acquisition du gène de tolérance au sel étant réalisée par hybridation et non par manipulation génétique directe, la variété modifiée de blé dur ne constitue pas un OGM (organisme génétiquement modifié) et ne sera donc pas soumise aux restrictions et réticences frappant les OGM. Enfin, la méthode pourrait aussi bénéficier au blé tendre (Triticum aestivum, utilisé en général pour le pain) : des collègues de M. Gilliham ont montré que, même s’il est moins sensible à la salinité du sol que le blé dur, le blé tendre ayant acquis le gène TmHKT;5-A a une meilleure capacité à exclure les ions sodium de ses feuilles, et des essais sont en cours pour mesurer l’impact sur les rendements.
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