La planète qui partait en fumée

Le satellite Kepler a découvert une exoplanète dotée d’une queue de poussière et de gaz, arrachés sous l’effet de la proximité avec son étoile. Elle pourrait s’évaporer totalement d’ici 200 millions d’années.

Le télescope Kepler a découvert plus de 1 250 planètes extrasolaires par la méthode des transits, c’est-à-dire en observant une baisse infime mais périodique de la luminosité d’une étoile à chaque fois qu’une exoplanète en orbite passe devant. Ces transits sont réguliers aussi bien dans le temps que par l’intensité de la baisse de luminosité. L’étoile KIC 12557548 présente cependant un comportement anormal : si une baisse de luminosité périodique a été observée, signe de la présence d’une planète, cette atténuation varie au fil des transits. Pour expliquer ce phénomène, Saul Rappaport, de l’Institut de technologie du Massachussets, et ses collègues suggèrent que la planète en orbite perdrait dans l’espace une grande quantités de poussière, qui formerait une « queue » semblable à celle des comètes.

 

 

La période du transit est de 15,7 heures – correspondant à un rayon d’environ 0,013 unités astronomiques –, et la masse de la planète responsable ne dépasserait pas trois fois celle de Jupiter. Mais la baisse de luminosité de l’étoile varie de 0,15 à 1,3 pour cent. Cette variabilité ne peut s’expliquer par le passage d’un seul objet de taille bien définie. Les astrophysiciens ont d’abord envisagé des scénarios impliquant une autre planète ou une étoile compagnon, mais ceux-ci ne permettent pas de reproduire les observations.

Ils ont alors imaginé une planète géante gazeuse qui perdrait du gaz, lequel bloquerait plus ou moins la lumière de l’étoile en fonction de son abondance (c’est le cas de la planète HD 209458b, ou Osiris). Cependant, une trainée de gaz ne peut expliquer à elle seule une telle variation de la baisse de luminosité. Une autre solution est que la planète incriminée est rocheuse et éjecte non seulement du gaz, mais aussi un volumineux nuage de poussière opaque.

Le scénario avancé par les chercheurs implique ainsi une planète de petite taille, dix fois plus légère que la Terre, ayant une composition similaire à celle du manteau supérieur terrestre, à savoir une forte teneur en silicates (pyroxènes et olivines). La petite taille de la planète induit une faible gravité, si bien que les grains de poussière peuvent s’échapper facilement dans l’espace.

Comment acquièrent-ils l’énergie suffisante à leur éjection ? En raison de la proximité de la planète avec son étoile, la planète est bloquée en rotation synchrone, présentant ainsi toujours la même face à l’étoile.  La température de la surface exposée atteindrait ainsi 2 100 kelvins. De quoi vaporiser les silicates, qui se condensent en nuages dans l’atmosphère. Ces grains sont ensuite entraînés hors de l’atmosphère par le gaz fuyant à quelques kilomètres par seconde, au-delà de la vitesse de libération du champ de pesanteur.

Pour décrire ce processus, les astrophysiciens ont utilisé un modèle similaire à celui imaginé par l’astronome américain Eugene Parker dans les années 1950 pour expliquer le vent solaire par l’agitation thermique. Dans le cas présent, le gaz s’échapperait de la planète en emportant la poussière avant de se disperser. L’effet d’entraînement devenant négligeable, celle-ci reste soumise à la seule pression de radiation de l’étoile et aux forces de Coriolis, qui donnent au nuage de poussière une forme similaire à une queue de comète.

Pour avoir une influence notable sur la luminosité lors du transit, les grains de poussière doivent avoir une durée de vie suffisamment longue avant de se sublimer. Des simulations numériques menées en 2002 ont montré que des grains de pyroxène d’un rayon de l’ordre du micromètre avaient une durée de vie de plusieurs heures. En revanche, les grains d’olivine s’évaporent trop rapidement. Des nuages de pyroxène pourraient ainsi reproduire les atténuations observées. Les variations d’intensité résulteraient de l’irrégularité des émissions de poussière, comme on l’observe dans les queues de comètes.

Selon les calculs des physiciens, avec une telle évaporation, la planète en orbite autour de l’étoile KIC 12557548 aurait une durée de vie relativement courte, de l’ordre de 200 millions d’années.

 

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